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Les Amours Maudites de la sœur d'Henri IV

Dernière mise à jour : 16 avr. 2020


Il n'est certainement plus nécessaire de vous présenter le roi Henri IV. Célèbre pour sa politique, ses batailles mais aussi et surtout pour ses nombreuses conquêtes amoureuses, Henri IV le Grand semblait tout se permettre par amour. Mais saviez vous que ce roi avait eut une sœur ? La princesse de Navarre Catherine de Bourbon. Elle aussi aima passionnément mais son histoire fut bien moins heureuse que celle de son frère. Sortez les mouchoirs car Tristan & Iseult ou encore Roméo & Juliette n'ont qu'à bien se tenir !

Catherine de Bourbon, Infante de Navarre, Duchesse d'Albret et de Bar (1559-1604).

C'est en pleine discorde religieuse entre Catholiques et Protestants que naquit Catherine de Bourbon, le 7 Février 1558 à Paris, au n°7 Rue des Franc-Bourgeois, dans un hôtel particulier où résidait alors sa mère, la célèbre reine de Navarre, Jeanne d'Albret. Très tôt, la jeune princesse fut confiée aux bons soins d'une gouvernante, l'austère Marguerite de Selve, "qui ne souffroit ni n'enduroit rien de mal" (1) (avec une telle description, on ne devait pas rigoler tous les jours...). De santé fragile, elle reçut néanmoins une éducation poussée qui lui permit d'apprendre le latin, le grec et l'hébreu en plus d'autres talents plus attendus tels que la musique, la danse ou encore le travail de l'aiguille et du fuseau. Mais sa véritable éducation se fit auprès de sa mère, cheffe du parti politique protestant, qu'elle accompagnait dans ses nombreux voyages. Jeanne d'Albret, était connue pour sa rigueur et son intransigeance religieuse. Cette personnalité sévère marqua profondément la jeune Catherine, d'autant plus que cette mère qui lui servait de modèle mourut alors qu'elle n'avait que treize ans, le 9 Juin 1572. Son frère, de six ans son ainé, était un certain Henri de Bourbon. A la mort de leur mère, il devint soudainement le nouveau roi Henri III de Navarre. Et c'est à ce frère unique qu'elle choisit de dédier sa vie, lui jurant une fidélité éternelle. A partir de cet instant, la vie de Catherine de Bourbon fut marquée par un déchirement entre son devoir et son propre bonheur. 


Jeanne III d'Albret, reine de Navarre. Portrait au crayon, Paris, BnF, département des estampes, XVIe siècle.

Peu de temps avant la mort de sa mère, Catherine l'avait accompagnée à Paris pour assister au mariage de son frère avec la princesse Marguerite de Valois (alias la célèbre reine Margot), fille de Catherine de Médicis. Elle avait à cette occasion rencontré la princesse qui devait bientôt devenir sa sœur et avait écris à son frère ce petit mot pour lui raconter cette entrevue:

"Monsieur, j'ai veue Madame que j'ay trouvé fort belle, et eusse bien désiré que vous l'eussiés veue. Je luy ay bien parlé pour vous, qu'elle vous tint en sa bonne grace, ce qu'elle m'a promis et m'a fait bien bonne chère, et ma donné un beau petit chien que j'aime bien."

Malgré les espoirs de la jeune Catherine que ce mariage soit réussi, ce ne fut qu'à contre-cœur qu'Henri et Marguerite acceptèrent de se marier. A peine quelques semaines après la mort de Jeanne d'Albret, le 18 Août 1572, l'union fut célébrée dans la cathédrale de Notre Dame de Paris. Enfin pas exactement "dans" la cathédrale car Henri, en tant que protestant, ne pouvait pénétrer dans une église catholique. Il resta donc sur le perron de la cathédrale tandis que sa futur épouse pénétrait à l'intérieur. Et ce fut séparés, que les deux fiancés furent mariés.


Le roi Henri III de Navarre et Marguerite de Valois (vers 1572). Miniature du livre d'heures de Catherine de Médicis.

Quoiqu'il en soit, cette union, très désirée par Catherine de Médicis, avait pour but d'apaiser les tensions entre catholiques et protestants. Et la paix dura... une semaine ! Le 24 Août 1572, survint le tristement célèbre massacre de la Saint Barthélémy. Nul besoin de vous rappeler les nombreux protestants qui furent massacrés ce jour là par les catholiques, sachez seulement qu'en vertu de leur rang, Henri et Catherine furent épargnés. Dès lors, ce mariage funeste fut surnommé "les noces vermeilles" en référence à la quantité de sang qui fut répandue (petit clin d’œil aux amateurs de la série TV Game of Throne qui reconnaitront probablement ici une inspiration de l'auteur George R.R. Martin). Le roi de Navarre et sa jeune sœur devinrent alors des otages de la cour de France. Le 3 Octobre 1572, Henri fut même forcé d'écrire une lettre au Pape afin de renoncer à sa foi protestante et de se convertir au catholicisme (2). Il fallut attendre trois ans, le 5 février 1576, pour que Catherine et son frère parviennent enfin à s’enfuir et à retourner dans le Béarn. Une fois la bas, l'un comme l'autre ne se firent pas prier pour se reconvertir au protestantisme. Dès cet instant, Catherine devint le soutien infaillible de son frère. En 1577, il la nomma régente du royaume de Navarre pendant que lui-même allait combattre en France. Prenant son devoir très au sérieux, la princesse de Navarre gouverna donc au nom de son frère, accueillit tous les exilés protestants qui parvenaient jusqu'à elle et entretint régulièrement une correspondance avec ses officiers afin de connaitre l'avancement de la guerre.


Charles de Bourbon, comte de Soissons, par Benjamin Foulon

Ce fut dix ans plus tard, en 1587, que commença la grande histoire d'amour de Catherine de Navarre. Elle fit la rencontre d'un de ses cousins, Charles de Bourbon-Condé, comte de Soissons, un jeune homme de 21 ans, décrit comme étant un brillant cavalier et d'une certaine élégance (je vous laisse juger du portrait ci-dessus par vous-même) (3). Catherine avait désormais 28 ans et n'était toujours pas mariée. Surprenant pour cette époque n'est-ce pas ? Et bien en fait pas tant que ça : Henri III de Navarre avait bien compris que le mariage de sa sœur serait pour lui une opportunité politique. Il n'avait donc eut de cesse de promettre sa main à de nombreux prétendants pour s'assurer leurs soutiens. C'est ainsi que le roi d'Espagne Philippe II, le Duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier et le Prince de Condé demandèrent la main de Catherine presque en même temps ! Rien que ça ! La duchesse de Rohan, une amie de la princesse, témoigna d'ailleurs assez sévèrement de l'attitude d'Henri envers sa sœur qu'il ne cessait de fiancer à tout bout de champ. Elle écrivit ceci :

"Ne l'a-t-il pas offerte à cinq ou six en même temps ; à peine que je ne dis en même jour, en mandant à l'un : venez-moi trouver, je vous donnerai ma sœur ; à l'autre : faites faire la paix par ceux de votre parti, je vous donnerai ma sœur ; à l'autre : gardez-moi votre province favorable, je vous donnerai ma sœur."(4).

Mais cette fois-ci, Catherine était bel et bien tombée amoureuse du comte de Soissons et il le lui rendait bien. Au départ, tout laissait présager une fin de conte de fée car Henri avait besoin du soutien de Charles de Soissons pour mener à bien sa politique. Il sembla donc d'abord encourager les deux tourtereaux et même consentir à leur union. Mais une fois qu'il fut devenu le roi Henri IV de France en 1589, le soutien du comte ne lui fut plus nécessaire. Il changea alors radicalement d'attitude, s'opposant désormais avec véhémence à l'union de sa sœur et de Charles de Soissons. Catherine, qui avait toujours obéit et servit fidèlement son frère, décida que cette fois-ci, elle se passerait de la bénédiction fraternelle. Dans son entreprise, la princesse de Navarre bénéficiait d'une alliée de poids, Diane d'Andoins, comtesse de Guiche, maitresse et conseillère d'Henri IV de 1582 à 1591. Diane, qui voulait se venger des infidélités que lui faisait le roi et aider son amie fit d'une pierre deux coup en dissimulant la relation romantique de Catherine et du comte de Soissons au roi.  Et finalement, à l'âge de trente-quatre ans, en 1593, Catherine de Navarre décida qu'il était temps de se marier avec son cher Charles.


Portrait de Diane d'Antoin, surnommée la Belle Corisande, (1554-1621) et de sa fille, attribué à Sofonisba Anguissola.

Cette année là, le comte de Soissons, sous prétexte d'aller rendre visite à Nogent à sa mère malade, la princesse de Condé, obtint la permission de quitter l'armée royale. Mais au lieu de prendre la route de la demeure de sa mère, il se rendit à Pau où l'attendait sa chère Catherine dans le but de l'épouser. Romantique n'est-ce pas ? Et bien malheureusement, Henri IV eut vent de leur projet au dernier moment et il envoya en urgence deux lettres à M. de Ravignan, premier président du Parlement du Béarn, pour que ce dernier fasse tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter la cérémonie. Et le mariage fut ainsi stoppé in extremis. Par prudence, Henri IV fit ensuite venir sa sœur auprès de lui pour mieux la surveiller. Ce fut donc avec une grande tristesse que la princesse rejoignit son frère à Chartres. Le roi confia alors une difficile mission à l'un de ses compagnons d'arme, Maximilien de Béthune, duc de Sully. Il lui fallait convaincre la sœur du roi et le comte de Soissons de renoncer à leur projet de mariage. Comme on pouvait s'y attendre, sa tentative auprès de l'obstinée princesse fut un échec et il se fit vertement réprimander par cette dernière. En revanche, il eut plus de succès auprès du comte Charles de Soissons qui finit par consentir à mettre fin à sa relation avec Catherine (c'est à partir d'ici que vous pouvez sortir les mouchoirs). 


Portrait d'Henri II de Lorraine en armure, Musée barrois.

Ce fut donc le cœur brisé, que la princesse de Navarre se résigna à épouser le prétendant que son frère lui choisirait. Et ce mariage finit par arriver ! En 1598, le roi Henri IV donna finalement sa sœur en mariage à Henri II de Lorraine, marquis de Pont-à-Mousson, fils ainé du duc Charles III de Lorraine et de Bar. Elle avait trente-neuf ans ! Bien qu'ayant mit fin sans pitié à l'histoire d'amour de sa sœur, Henri IV continua de lui demander conseil et soutien moral. De manière assez ironique, le roi aux nombreuses maitresses lui confiait même ses peines de cœur afin qu'elle le réconforte. Ainsi, à l'occasion de la mort de Gabrielle d'Estrée en 1599, il n'hésita pas à lui envoyer ces mots :

"La racine de mon amour est morte, elle ne rejettera plus ; mais celle de mon amitié sera toujours verte pour vous, ma chère sœur, que je baise un million de fois !"

Bonne poire notre Catherine n'est ce pas ? Et bien son histoire ne s'améliore pas par la suite. Son mariage avec Henri II de Lorraine ne fut pas vraiment ce qu'on aurait pu appeler une union heureuse. Pour commencer, son époux et son beau-père étaient tous deux catholiques et ne furent pas ravis que la princesse protestante refuse de se convertir pour son mariage. Il fallut donc obtenir une dispense spéciale du Pape pour l'occasion mais celle-ci ne venant pas, Henri IV finit par perdre patience et n'hésita pas à intimider un peu l'archevêque de Reims pour que le mariage ait lieu malgré tout. Après leur union, son nouvel époux et son beau-père, effrayés par la menace d'une excommunication, continuèrent de tenter de la convertir au catholicisme. Ainsi, le 13 Novembre 1599, elle fut forcée d’assister à une conférence de prêtres catholiques venus pour la convaincre. Sans succès. Puis, Henri IV lui-même, envoya le cardinal Duperron pour la convertir dans l'espoir d'obtenir ainsi un accord avec le Pape. Il échoua à son tour. Déterminée, elle écrivit même à l'un de ses amis "qu'elle iroit à la messe lorsqu'il seroit pape" ! On retrouve bien ici le célèbre caractère de sa mère Jeanne d'Albret ! Dépité, Henri II de Lorraine avait cessé de fréquenter sa femme, et finalement se rendit à Rome en 1600 pour se faire absoudre par le Pape de ce mariage contracté malgré la différence de religion. La dispense fut finalement promise en Décembre 1603 par Rome. Mais Catherine n'eut pas le temps de la voir. Ce fut à l'âge de quarante-cinq ans, le 13 Février 1604, dans son château de Sans-Soucy de Nancy, que Catherine de Navarre finit par mourir de mélancolie, crut-on alors, car elle venait de faire une fausse-couche. En réalité, il semble que ce soit une péritonite tuberculeuse (une inflammation de la membrane recouvrant la cavité abdominale) qui finit par venir à bout de la princesse. Henri II de Lorraine, libéré de ce mariage qu'il n'avait pas plus souhaité que sa femme, se remaria deux ans plus tard avec une princesse (bien catholique cette fois), une certaine Marguerite de Mantoue, nièce de Marie de Médicis. Et Charles de Soissons me direz vous ? Et bien le grand amour de la princesse de Navarre finit lui-aussi par se marier mais seulement après qu'elle ait épousé Henri II de Lorraine. Le 17 Décembre 1601, il épousa donc Anne de Montafié qui lui donna cinq enfants. Quand au roi Henri IV, il semble qu'il fut touché (sans être bouleversé non plus) de la mort de sa sœur qui lui fut dévouée et loyale toute sa vie. Le cœur de la princesse fut conservé à Nancy mais son corps fut enterré auprès de ses parents à la collégiale Saint-George de Vendôme. Un quatrain suit son épitaphe :


"Je naquis à Paris, à Pau je fus régente.

Soeur unique du roy, en Lorraine contente.

Pensant avoir conceu, je mourut à Nancy :

Mon coeur y est encore et mon corps est icy."


Malheureusement, la révolution étant passée par là, son corps n'est plus vraiment "icy"... En réalité nous ne savons pas précisément où il se trouve, si tant est qu'il fut conservé... De Catherine de Bourbon, il nous reste aujourd'hui quelques poèmes car la princesse, en humaniste très cultivée, aimait écrire. Il semble qu'avant l'âge de douze ans elle composait déjà des vers. Nous lui laisserons donc le mot de la fin :


"Que dirai-je, mon Dieu, de mes yeux infidèles,

Qui au lieu de jeter leur regard vers les cieux

D'où leur vient le salut, aveuglés aiment mieux

Les arrêter ici sur des beautés mortelles."




Sources :

(1) : J. B., Commentaire de l'étude "Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV (1559-1604)" par Madame la Comtesse d'Armaillé, dans Bulletin Historique et Littéraire (Société de l'Histoire du Protestantisme Français), Vol. 15, 1866, p.583-586.

(3) : Mévil Sainte-Marie, Ernest de Fréville, "Lettres inédites de Catherine de Bourbon, princesse de Navarre, recueillies par Ernest de Fréville" dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartres, tome 18, 1857, p.127-152.

(4) : « Apologie pour le roy Henri par Madame la duchesse de Rohan » dans le Journal de Henri III, par M. Pierre de l'Esloile, tome IV, La Haye, chez Pierre Gosse, dans « Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV ».


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